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J’ai lu « Au revoir là-haut » de Pierre Lemaître
- 20 septembre 2025
- Publié par : Daly
- Catégorie : Chroniques
Dévoilé en 2013, « Au revoir là-haut » de Pierre Lemaitre n’a pas simplement rencontré le succès, il l’a conquis. Lauréat du Prix Goncourt la même année, ce roman s’est imposé comme une œuvre majeure du paysage littéraire français. Loin des salons feutrés, il plonge le lecteur dans la France meurtrie de l’après-Première Guerre mondiale.
Situé entre 1919 et 1924, le roman suit le destin d’Albert Maillard et d’Édouard Péricourt, deux « gueules cassées », vétérans défigurés par les horreurs du conflit. Marqués physiquement et psychologiquement, ils tentent de se reconstruire dans une société en pleine mutation. Plus qu’un simple récit d’amitié, « Au revoir là-haut » dresse une fresque historique et sociale poignante. Pierre Lemaitre brosse un tableau sans concession des traumatismes de la guerre, des tensions sociales et du cynisme qui rongent une France à la recherche de ses repères. Le roman ne se limite pas à sa dimension historique. Il embarque le lecteur dans une intrigue subtile mêlant arnaque, manipulation et quête de justice. Le duo improbable formé par Albert et Édouard se retrouve aux prises avec un engrenage implacable, remettant en question les notions de moralité et de rédemption. Ce n’est pas qu’un roman captivant, c’est une invitation à la réflexion. À travers le destin tragique de ses personnages, Pierre Lemaitre nous confronte aux cicatrices indélébiles de la guerre, au sens de la justice et à la difficulté de panser les blessures d’un pays meurtri.
Le contexte historique
1. Les derniers soubresauts de la guerre (1918-1919)
Le roman s’ouvre sur les derniers jours de la Première Guerre mondiale, alors que l’espoir d’une victoire prochaine se mêle à l’angoisse des combats. L’auteur décrit avec précision les tranchées, les explosions et la violence aveugle qui meurtrissent les soldats. Le lecteur est plongé, dès les premières lignes, au cœur de l’horreur de la guerre, témoin de la souffrance et du sacrifice des hommes.
2. La reconstruction d’une nation meurtrie (1919-1924)
La guerre terminée, la France se retrouve meurtrie et exsangue. Le pays doit se reconstruire, tant physiquement que psychologiquement. Le roman montre les efforts du gouvernement pour relancer l’économie et apaiser les tensions sociales. Mais la reconstruction est un processus long et douloureux, marqué par le deuil, la nostalgie et la colère.
3. Les mutations sociales et l’émergence d’une nouvelle société
La guerre a provoqué des mutations sociales importantes. Le roman montre l’émancipation des femmes, qui ont pris la place des hommes dans les usines et les bureaux. Le pacifisme et les mouvements sociaux gagnent en importance, remettant en question les valeurs traditionnelles et l’ordre établi.
4. Un climat de cynisme et de désillusion
La guerre a laissé des traces profondes dans la société française. Le roman montre le cynisme et la désillusion qui s’installent dans le pays. La corruption, l’exploitation des anciens combattants et l’appât du gain gangrènent une nation en quête de repères.
5. Les gueules cassées : symbole d’une génération sacrifiée
Les « gueules cassées », ces soldats défigurés par la guerre, sont une figure centrale du roman. Elles symbolisent le traumatisme de la guerre et le sacrifice d’une génération. Le roman explore leur souffrance physique et psychologique, leur difficulté à se réintégrer dans la société et leur combat pour retrouver une place dans le monde.
B. Les personnages
1. Albert Maillard
Issu d’un milieu modeste Hanté par les souvenirs du front, il est tiraillé entre la colère, la culpabilité et le désir de retrouver une vie normale. Le traumatisme de guerre l’a rendu paranoïaque.
2. Édouard Péricourt
Aristocrate désabusé et cynique, Édouard Péricourt a perdu son bras droit pendant la guerre. Il a été grièvement blessé au visage pendant la guerre. Il porte le masque d’une gueule cassée, symbole de son sacrifice et de sa souffrance. Malgré son handicap, il est doté d’une intelligence vive et d’un esprit manipulateur. Il s’associe à Albert pour monter une entreprise d’arnaque aux monuments aux morts. Son ambition et son cynisme le conduiront sur une pente dangereuse.
Les relations entre les personnages sont complexes et évolutives. L’amitié entre Albert et Édouard est au cœur du roman. Elle est source de soutien et de réconfort pour les deux personnages, mais elle est également mise à l’épreuve par leurs ambitions et leurs secrets.
C. L’intrigue : Mensonge, manipulation et quête de justice
Au revoir là-haut tisse une intrigue captivante qui va bien au-delà d’un simple récit historique. En suivant le destin d’Albert et d’Édouard, le roman nous plonge dans un tourbillon de mensonges, de manipulations et de quête de justice. Témoin d’un crime de guerre commis par leur supérieur, le lieutenant Pradelle, Albert et Édouard se lient par un pacte. Rongés par la colère et le désir de vengeance, ils décident de monter une arnaque monumentale. Leur arnaque repose sur la fabrication de fausses associations d’anciens combattants et la construction de faux monuments aux morts. L’entreprise prospère et leur fortune s’accroît. Cependant, Pour maintenir leur supercherie, Albert et Édouard se retrouvent prisonniers d’un engrenage de mensonges et de secrets. Ils doivent constamment manipuler leur entourage et effacer les traces de leur forfait. La situation devient de plus en plus périlleuse et la menace d’une découverte plane sur eux. L’intrigue atteint son point culminant lorsque la vérité éclate. La justice se met en marche, remettant en question les gains d’Albert et d’Édouard, mais aussi le sens de leur vengeance.
Le poids du passé est un fil rouge de l’intrigue. Les personnages sont hantés par leurs traumatismes de guerre, leurs secrets et leurs actes commis pour survivre. L’arnaque montée par Albert et Édouard n’est qu’une tentative désespérée de panser les blessures du passé et de retrouver une certaine dignité.
D. Les thèmes
Au revoir là-haut n’est pas un simple roman historique. C’est une exploration des profondeurs humaines, une réflexion sur les conséquences de la guerre et les aspirations de l’homme face à l’adversité. Pierre Lemaitre aborde avec finesse et sensibilité une multitude de thèmes qui enrichissent le récit et nourrissent la réflexion du lecteur.
1. La guerre et ses conséquences
Le roman explore les multiples ramifications de la guerre sur les individus et la société. La violence, la mutilation et le traumatisme psychologique sont omniprésents. L’auteur montre comment la guerre défigure les corps et les âmes, laissant des cicatrices indélébiles sur les survivants.
2. La reconstruction
Le roman montre les difficultés de la reconstruction après la guerre. Les personnages tentent de retrouver une vie normale, mais ils se heurtent à de nombreux obstacles : le traumatisme psychologique, la pauvreté, la corruption et le regard de la société sur les gueules cassées.
3. L’amitié et la solidarité
L’amitié entre Albert et Édouard est l’un des thèmes centraux du roman. Cette amitié est une source de soutien et de réconfort pour les deux personnages. Elle leur permet de survivre aux épreuves et de garder espoir en l’avenir.
4. La vengeance et la justice
Le désir de vengeance est un thème important du roman. Albert et Édouard sont rongés par la colère et le besoin de punir les responsables de leurs souffrances. Cependant, leur quête de vengeance se révèle être une voie sans issue, les menant vers une tragédie inévitable.
5. La rédemption
Le roman explore également la possibilité de la rédemption. Les personnages cherchent à expier leurs fautes et à trouver la paix intérieure. La rédemption est un chemin difficile, mais elle offre une chance de retrouver une certaine dignité et de se reconstruire.
6. La condition des gueules cassées
Les gueules cassées, ces soldats défigurés par la guerre, sont un symbole important du roman. Elles incarnent la souffrance et le sacrifice d’une génération sacrifiée. Le roman met en lumière les difficultés auxquelles elles sont confrontées pour se réintégrer dans la société et vivre une vie normale.
7. Le regard de la société
Le roman explore le regard de la société sur les gueules cassées. Certains les admirent pour leur courage et leur sacrifice, tandis que d’autres les rejettent et les considèrent comme des monstres. Cette société peut être à la fois cruelle et compatissante.
8. La corruption
Le roman montre également les aspects sombres de la reconstruction. La corruption et le cynisme gangrènent la société française. Certains profitent de la situation pour s’enrichir personnellement, exploitant la misère des anciens combattants.
9. L’amour
L’amour et la passion sont présents dans le roman, même si la guerre a assombri les cœurs. Ils offrent une lueur d’espoir et de beauté dans un monde de souffrance et de désespoir.

E. Le style
Dans « Au revoir là-haut », Pierre Lemaitre déploie un style maîtrisé et versatile qui contribue largement à la force du roman. Son écriture sert l’histoire avec précision, émotion et efficacité. Le roman est écrit dans un registre dominant, réaliste et accessible. La prose est fluide et rythmée, ce qui permet une lecture aisée et captivante. Le lecteur est facilement immergé dans le récit et suit les péripéties des personnages sans entrave stylistique. Lemaitre excelle dans l’art de la description. Il utilise un vocabulaire précis et évocateur pour dresser un tableau vivant de la France de l’après-guerre. Les descriptions des champs de bataille dévastés, des villes meurtries et des gueules cassées sont particulièrement saisissantes. Le style de Lemaitre n’est pas uniquement descriptif. Il sait également manier l’émotion et la sensibilité. Il nous fait ressentir la souffrance des personnages, leur colère, leur désespoir et leur espoir de rédemption. Le lecteur ne peut rester indifférent face au destin tragique des protagonistes.
Lemaitre sait également varier son style en fonction des situations et des personnages. Il peut adopter un ton cynique et sarcastique lorsqu’il décrit le cynisme et la corruption de la société d’après-guerre. Il peut également se montrer poétique et lyrique lorsqu’il évoque l’amitié ou l’amour. Cette richesse stylistique confère une profondeur et une complexité supplémentaires au roman. Le roman est principalement narré à la troisième personne du singulier. Cependant, Lemaitre utilise parfois des points de vue internes pour plonger le lecteur dans la psyché des personnages et nous faire ressentir leurs émotions et leurs pensées. Il joue également avec la temporalité, utilisant des flashbacks pour éclairer le passé des personnages et enrichir le récit.

Autre Ouvrages de Pierre Lemaitre
Au revoir là-haut (2013)
Le Serpent majuscule (2015)
Trois jours et une vie (2016)
Couvre-feu (2017)
Rosy & John (2018)
Miroir de nos peines (2020)
Le Grand Monde (2021)
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