Comment j’en suis arrivé à opter pour la courbe Fichtéenne ? Au commencement de son écriture, « Abu Nizar » n’était qu’une suite de scènes éparpillées sur des pages désordonnées et sans formes évidentes. Il ne s’agissait pas d’établir un plan, j’en avais déjà un pour sa première partie, ainsi que pour les 4 suites prévues. Il me fallait une technique d’écriture captivante et une structure narrative claire et efficace. Pour la première, j’ai opté pour l’In Medias Res, dont je vous parlerais en détail dans un prochain article. Pour la deuxième, j’ai opté pour la courbe Fichtéenne. Une structure, que je crois parfaitement adaptée à l’intrigue complexe et riche en rebondissements de ce premier roman.
La courbe Fichtéenne : son origine
Décrite en 1983 dans l’ouvrage de John Gardner intitulé The Art of Fiction, la courbe Fichtéenne est unique en son genre, car malgré sa complexité apparente, elle est absolument simple sur le plan pratique. Sa structure en dents de scie vous laisse une certaine liberté pour varier le rythme de votre intrigue. À l’instar de la plupart des structures narratives connues, La courbe Fichtéenne comporte trois actes principaux : l’action ascendante, le point culminant et l’action descendante. Ce qui la différencie des autres structures, c’est d’abord sa forme que l’on assimilerait plus à celle d’une nageoire dorsale d’un requin qu’à l’arc d’une structure traditionnelle, et surtout la rapidité de son rythme saccadée. Ici, les crises se déclinent en vagues successives au cours de l’action ascendante, jusqu’à atteindre le point culminant et se résoudre ensuite dans l’action descendante.
Pendant la montée en puissance de l’action, un incident déclencheur, souvent inattendu, augmente prestement la tension de l’histoire. Celui-ci, une fois résolu par les personnages, entraînera la succession de crises qui représentent l’élément structurel le plus important de la courbe. Cette partie de l’intrigue occupe souvent les deux premiers tiers du livre.
Structure de la courbe Fichtéenne
L’apogée est le point culminant de la tension initiale. Une révélation, un combat final, une perte terrible, etc. peu importe sa forme, chaque crise et sa résolution sont construites de manière à conduire le lecteur insidieusement vers ce point bien précis. En lui miroitant cet apogée à chaque rebondissement, il est tenu en haleine du début jusqu’à la fin. On peut dire que l’impact qu’aura le point culminant sur le lecteur sera proportionnel au cumul de l’effet que produiront ces petites crises sur vos personnages. Le lien entre la résolution finale et cette succession de crises doit donc être établi de manière claire et évidente.
La chute de l’action, souvent brutale, surprenante et inattendue, se déroule généralement dans le dernier tiers de livre. Il s’agit de « boucler la boucle », de répondre aux interrogations des lecteurs. Ici, le principe du fusil d’Anton Tchekhov doit être respecté à la lettre : « Supprimez tout ce qui n’est pas pertinent dans l’histoire. Si dans le premier acte vous dites qu’il y a un fusil accroché au mur, alors il faut absolument qu’un coup de feu soit tiré avec au second ou au troisième acte. S’il n’est pas destiné à être utilisé, il n’a rien à faire là ». Chaque rebondissement du corps de l’histoire, chaque dent de cette scie structurelle doit avoir sa place au sommet de l’intrigue, comme des pièces de puzzle éparpillées au début du livre, correctement assembler en un splendide tableau à son apogée. Le dénouement ou l’action descendante donnera enfin la possibilité au lecteur de contempler le tableau ainsi reformé dans sa totalité.