Gwendoline La Vie Parfaite
in

Chapitre 1 – Gwendoline

1

GWENDOLINE

 

 

Jeudi 1 Juin

Deux fois par semaine, pendant sa pause-déjeuner, Gwendoline court.

Dans son bureau, elle se change. Troque son style psychiatre-à-votre-écoute, pour une tenue de fitness. Elle chausse ses baskets, attache ses cheveux en une queue-de-cheval floue et part dissoudre ses pensées dans les kilomètres. Non pas pour perdre du poids. Mais pour apprécier le black-out de sa tête et anesthésier une partie de sa vie. Le temps d’une course, son cerveau s’oxygène, ses pensées n’ont plus raison de sa dignité et le conflit avec elle-même s’interrompt. Comme une parfaite harmonie avec elle-même. Même si une partie de sa tête ne cesse de tout compter, tout le temps, partout.

Mais, aujourd’hui, et ce, dès les premières foulées sur le goudron brûlant, le ronronnement de ses préoccupations ne semble pas vouloir voir ailleurs si elle y est. S’ensuit donc, un long défilé de minutes sans repos.

Gwendoline a tout pour être heureuse : un mari aimant, quoiqu’avec des goûts douteux, un foyer confortable et plus coloré qu’un t-shirt Desigual, un emploi dont elle a tant rêvé, et deux amies formidables. Tout, donc, sauf un enfant. Et si elle n’en avait jamais ? Est-elle condamnée à éprouver ce vide toute sa vie ? Plus le temps passe, plus une simple journée devient un véritable calvaire.

Elle avait pourtant suivi précieusement les conseils que son entourage et Internet lui avaient donnés. S’accoupler tel jour et à telle heure, principalement en période fertile, manger des repas équilibrés, ne pas boire d’alcool ni fumer, privilégier certaines positions au lit. Mais, chaque mois, lors de ce fameux Jour, c’est le même drame qui se joue en elle. S’alternent, donc, déception, douleur et déchirement. Tout le monde lui dit de plus y penser, de ne pas se stresser et de laisser faire le temps. Mais, quand elle doit se piquer tous les jours et se rendre régulièrement à des rendez-vous, difficile d’oublier.

Gwendoline accélère le pas. À tel point que l’on pourrait croire que ses pieds n’entrent plus en contact avec le bitume. Loin de cette horrible pancarte de publicité pour les soins antirides qui semble lui faire une œillade. Dans quelques semaines, elle aura quarante ans. Et c’est la première fois que l’approche de son anniversaire lui fend le cœur.

Adieu l’âge de la raison et bonjour l’âge du bilan.

Quarante ans, soit le moment où, elle explore dans le rétroviseur ce qu’elle a construit, et ses rêves pleins de poussières.

Pour certaines, passer l’âge mûr, c’est savoir être pragmatique, et ne plus considérer les contes de fées comme étant une réalité. Mais pour d’autres, dont Gwendoline, c’est garder ses désirs et ses espoirs accrochés tels des sangsues. Y croire encore et toujours. Que l’endométriose va disparaître comme par magie. Que son parcours de procréation médicalement assistée n’est qu’un mauvais rêve à gommer chaque matin. Que tomber enceinte est facile. Parce que, tant qu’il y a de l’espoir, aussi infime soit-il, elle veut continuer à y croire.

À petites foulées, Gwendoline écarte le portillon du parc, et salue comme à son habitude brièvement les autres sportives de la pause-déjeuner. Avant de continuer son chemin encore quelques mètres, puis de s’autoriser une pause près d’un banc à treize lattes, à l’ombre, où elle ajuste l’élastique de sa longue chevelure de feu. Autour d’elle, le soleil brille, des fleurs de multiples couleurs débordent de la pelouse soigneusement entretenue, et les oiseaux gazouillent.

Gwendoline vit dans ce village depuis de nombreuses années maintenant. Isolée de l’agitation du monde, et des citadins capables de confondre une biche avec un sanglier. Et profitant ainsi de la présence sereine des animaux et de l’acoustique des nombreux tracteurs.

À cette heure-ci, l’unique jardin public de la commune est toujours très animé. En plus des huit autres joggeurs, elle y croise cinq cyclistes, trois maîtres promenant leurs chiens, beaucoup trop de couples, et surtout, des familles pique-niquant avec leur progéniture.

Courir devait la rendre plus légère, pas la faire peser des tonnes.

Le ventre vide, les talons semblables à des ressorts, la future quadragénaire reprend sa course, et brûle le pavé. Non sans compter chaque arbre qu’elle croise.

Loin de toutes ces poussettes et de ces femmes enceintes.

Loin du romanesque : ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants…

auteur Novice

Écrit par Angélique Brazier

Je suis une auteure passionnée, spécialisée dans l'écriture de romans qui réchauffent le coeur et suscitent des émotions profondes. Au fil des pages, mes histoires offrent une bouffée d'air frais et une vision optimiste de la vie.
Mon objectif est de transporter les lecteurs dans un univers où l'espoir est palpable et où la beauté des relations humaines est mise en valeur. Je souhaite offrir à mes lecteurs une parenthèse réconfortante, une évasion bienvenue dans un monde où le bonheur et la résilience sont célébrés.
Plongez dans mes récits empreints de douceur et de sensibilité, et laissez-vous emporter vers de nouveaux horizons. Ensemble, nous partagerons des moments magiques et des émotions intenses.

Bienvenue dans mon monde littéraire !

Années d’adhésion

QU'EN PENSEZ-VOUS ?

guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
B0bsnwy6t5 6ea1d6f5 Cover

“Cthulhu l’immense” fait peau neuve avec sa nouvelle couverture !

Couv Def Cr2 Valid2 1ere De Couv

Chroniques Rénochiennes