Chapitre 1
Brusquement, une alarme de secours se déclenche.
Le décor rose bonbon s’efface peu à peu de ma vision et les voix deviennent lointaines. J’ouvre nonchalamment les yeux.
Les murs blancs, le lit bébé en bois vide, le bureau en pêle-mêle. Et le bip qui me cisaille le crâne.
Aucun doute, je suis bel et bien de retour dans ma chambre.
De retour à ce septième jour du mois de janvier, sur une île minuscule, dans un village perdu au milieu des montagnes, à devoir affronter mon retour au lycée.
Et merde !
Foutu réveil. Foutu téléphone. Foutue réalité.
Je tâtonne sous mon oreiller, sur ma gauche, sur ma table de chevet. Puis désactive l’alarme d’un glissement de doigt avant de m’enrouler à nouveau dans ma couette. Jusqu’à ce qu’un claquement me fasse tomber du lit.
Respire Margot. Ce n’est que le vent qui tambourine comme un éléphant contre les volets.
Je me lève et ouvre la fenêtre.
C’est lundi. Il pleut. Il vente. Le ciel est plombé. Les nuages enlacent les arbres.
Le pire dans tout ça, c’est que le temps représente objectivement mon moral.
La journée va être longue.
Pendant des mois, je m’étais pris d’une profonde sympathie pour mon lit et les séries. Je sortais de ma chambre qu’en cas de nécessité absolue. Comme manger, boire et aller faire mes besoins. Tout ça, dans mes vêtements les plus laids, mais les plus confortables.
Jusqu’à aujourd’hui, où après trois mois confinés à la maison, mes parents ont jugé bon pour moi de reprendre une vie sociale. Sans me consulter, évidemment.
Personnellement, mon état d’ermite me plaît.
Rester allonger dans mon lit, devant ma série, avec un mug de lait chocolaté dans une main – ou un café au lait –, et mon téléphone dans l’autre. Sauf qu’à seize ans, je n’ai pas d’autres choix que de faire ce que mes parents pensent être le mieux pour moi.
J’ouvre mon armoire et m’attarde de longues minutes sur l’uniforme qui languit de m’enfermer dans la normalisation de la société. Face à ce pull bleu marine et cette jupe verte à carreaux, je ne peux retenir une grimace de dégoût, suivi d’un soupir à faire fondre un bonhomme de neige.
Habituellement, je me contente de m’habiller avec les premiers vêtements propres que j’attrape dans mon armoire ou sur ma chaise de bureau. Pour faire simple, ma garde-robe est constituée majoritairement de leggings, t-shirts et pulls. Tous de couleur noire.
Ma vie est noire et mes rêves scintillent. Je l’ai acceptée depuis longtemps, maintenant.
Bien sûr, cela ne signifie pas que je n’aime pas ma vie. C’est juste que je la préférais si elle ressemblait à celle qu’on voit dans les films.
Ma passion pour les films rose bonbon a commencé à mes treize ans.
Les belles rencontres, le coup de foudre, les retrouvailles à l’aéroport, le baiser sous la pluie. Ils sont dégoulinants de guimauve, me mettent des étoiles dans les yeux et m’offrent des soirées riches en émotions.
On me trouvera cucul la praline, mais j’ai longtemps cru en la réalité de ce genre de comédie.
Et deux ans plus tard, je rencontre Raphaël.
J’ai atterri dans sa classe au beau milieu de l’année scolaire. Notre premier rendez-vous était parfait. Notre première fois au lit, un peu moins. Notre première grossesse, pas du tout.
J’ai donc pris deux grandes décisions : arrêter les comédies romantiques et enrouler mon cœur de papier bulle.
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