Tout d’abord l’auteure :
Athénaïs, telle qu’elle se présente elle-même, est une rêveuse qui a découvert l’écriture comme une révélation. Elle y a trouvé le moyen de donner vie à son imagination, ce qui l’a amené à se « spécialiser » dans la fantaisie et la littérature de l’imaginaire. Si son roman « Kiwa » est fortement inspiré par son propre domaine d’étude, à savoir la biologie marine, elle prend avec son dernier roman « Le Maître de l’ombre » un virage particulièrement ingénieux, sans être téméraire. En variant les thèmes et surtout en construisant à partir de zéro un tout nouveau monde bien plus riche et bien plus étendu que celui de Kiwa. La jeune auteure déploie ses ailes en s’attaquant, dans ce premier opus, à une série fantastique qui promet d’être monumentale.
Le livre :
Dans un monde où les dieux ne cessent de se battre pour le contrôle des cieux, les humains ne sont leurs pions dont ils disposent sans scrupules. La guerre s’apprête à déferler tel un raz-de-marée et tous seront emportés. Connor vivait loin de cette réalité jusqu’à ce qu’il sauve la vie de Sanya, messagère de la reine d’Eredhel. Décelant en lui un mystérieux pouvoir qui pourrait jouer en sa faveur, elle décide de l’emmener à la capitale pour qu’il soit formé et qu’il puisse l’épauler le moment venu. Mais si l’empire est leur ennemi, les dieux tirent les ficelles. Connor et Sanya semblent avoir tous deux un rôle à jouer pour mettre fin à leurs dessins.
Une belle découverte
J’ai fait là une bien belle découverte, malgré mon ressenti qui vous semblera peut-être assez mitigé. C’est probablement là aussi une impression, parmi tant d’autres, que m’a laissés cette lecture. J’ai aimé le roman, j’ai aimé l’intrigue, j’ai aimé la plume, et j’ai surtout aimé l’enthousiasme qui se dégage de ses pages. Il s’agit d’un voyage, que vous allez vivre en compagnie de trois personnages hauts en couleur et en contradictions. Un long voyage certes avec quelques passages plus ou moins en perdition, mais c’est un voyage qui en vaut la peine d’être lu. L’auteure sait où elle va, elle sait exactement où elle emmène ses personnages et ses lecteurs. Même si j’en ai quelque peu douté en plein milieu du roman, mais j’avais tort. Athénaïs n’écrit pas au hasard des mots, elle vous promet une destination prodigieuse et elle tiendra toutes ses promesses.
Dès les premiers paragraphes du roman, dès les premières lignes, on est tout de suite happé dans l’action. Point de longues descriptions, point d’interminables successions de noms de villes aussi imaginaires que difficiles à prononcer. De l’action, pure et simple, comme on l’aime. L’auteure construit son univers dans l’action, et elle nous le dévoile dans le dialogue. On ne tombe pas du ciel au beau milieu d’une forêt enchantée, on y pénètre, un pas après l’autre, juste derrière le protagoniste. On ne voit pas la bête avant le protagoniste principal, on la découvre en même temps que lui, à travers ses yeux, comme nous avons découvert son monde. Et nous vivons sa terreur telle qu’il l’a vécu lui-même.
L’intrigue et les personnages…
… évoluent dans un environnement certes médiéval, mais nous assistons quand même à une curieuse « inversion » dans la configuration des protagonistes, la construction des deux personnages principaux est plutôt rare à mon avis. Lui, il est courageux, il est altruiste, il est bon, et… c’est tout. Un personnage simple et tout en transparence. Elle… elle sait se battre, elle est forte, elle est magique et un tantinet royale. Elle est mystère et tout en complexité. Il lui apprend à cuisiner, elle lui apprend à se battre. Elle mène la quête et il la suit. Et nous… nous observons avec attention, et beaucoup d’impatience, la romance naissante entre ces deux-là. Et puis… viendra le final. Explosif, surprenant, éblouissant, trépidant et tout en étincelle. Le voyage en vaut la peine, car la destination ne décevra pas. Elle sera à la hauteur des pages que nous tournerons, et elle tiendra toutes ses promesses.
Athénaïs a un don indéniable pour la construction du suspense, en se basant surtout sur la rupture impromptue de la violence, ou plutôt de l’action. Elle le déclenche à l’aide des moyens les plus élémentaires, les plus basiques. Et lentement, elle l’élève, elle le cuisine un ingrédient après l’autre, prenant le lecteur et l’enfonçant, de gré ou de force, dans une sorte de « tunnel » de suspense. L’on ne peut arrêter de lire, on veut voir ce qui se passe au bout du tunnel, on s’attend à un évènement épique ou à une scène de combat mémorable… La scène arrive, et se termine aussitôt de manière inattendue… Et l’on reste sur sa faim. Ce n’est pas toujours le cas, mais c’est souvent le cas. L’on comprendra bien plus tard qu’il s’agit certainement d’un choix délibéré de l’auteure de retarder la véritable apogée, mais c’est frustrant quand ça se produit. Ça vient peut-être de moi, c’est mon avis personnel après tout (mes propres écrits débordent de violence)… Mais je crois fort que la chute doit être aussi longue que l’élévation pour qu’elle ne déçoive pas le suspense qui la précède, surtout quand il est aussi ingénieux et créatif que celui dans « Le Maître de l’ombre ». Les scènes de combats dans le roman, vous allez tourner des pages et des pages pour les atteindre… et quand elles arrivent enfin, elles sont exactement comme je les aime saignantes.
Ce que je reproche à l’auteure…
… ce sont les récurrences des dialogues. Je m’explique… Un évènement important vient de se produire et tous les personnages, principaux et secondaires, vont en entendre parler, de bouche à oreille bien sûr. Ce qui aurait pu être bouclé vite fait en deux phrases trois ellipses. En revanche, nous assistons à une répétition du même dialogue dans la bouche de plusieurs personnages qui racontent le même évènement les uns aux autres. L’histoire est bonne, elle tient la route, et nous y sommes plongés dès les premières pages, ce qui est rare, mais ces récurrences de dialogues donnent l’impression que l’auteure a tellement bien commencé son roman qu’elle hésite, elle panique peut-être qui sait. C’est comme les wagons d’un train, déstabilisés par la trop grande puissance initiale du départ, ils zigzaguent sur quelques pages avant de se remettre sur les rails. Et c’est là, et on le ressent clairement à travers la lecture, que l’auteure retrouve ses repères, et elle se jette à l’eau, elle se lance à vitesse de croisière. Elle est à l’aise et elle prend grand plaisir à raconter son histoire.
Le Ddraig, par exemple, a été défini et expliqué plusieurs fois. Chaque personnage l’explique au suivant. Le lecteur lui, il l’a compris dès le premier contact, mais il se sent obligé de relire cette même explication, encore et encore, en même temps que tous les personnages. Le lecteur possède l’égocentrisme et l’impatience d’un félin, ce qui compte pour lui ce n’est pas ce que sauront les personnages, mais ce qu’il sait lui-même… Ce qui est important dans une histoire est non seulement qu’elle doit couler de source, mais qu’elle coule sans interruption ni retard. Plus l’entrée est délicieuse et plus le lecteur sera impatient de goûter au plat principal. Et c’est exactement le cas de ce roman. L’on se met à dévorer les pages, l’auteure joue avec notre impatience, elle nous affame, mais une fois ses repères retrouvés, elle prend autant plaisir à nous la raconter que nous à la lire. L’intrigue se fait attendre, mais quand nous sommes à bord du train, il roule à grande vitesse. Et l’on admire autant les paysages qui défilent que l’action qui s’y déroule.
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