in

Extrait de CLARA ET LE MONDE MYSTÉRIEUX DES CASTANEAS – LE SORCIER DU MONT NEIGEUX

Le Sorcier du Mont Neigeux

CHAPITRE 5

Le maître des lieux

Le Sorcier du Mont Neigeux

 

Sans plus attendre, les hommes des montagnes poussèrent à la hâte Clara, Maximus et Dany à l’intérieur de la salle.

 — Montrez-les-moi ! héla aussitôt la même voix impérieuse perdue quelque part dans la pièce. J’ose espérer que ce sont bien les enfants que je vous ai demandé de capturer.

— Oui, messire ! répondit, catégorique, l’une des créatures, à la grande surprise des enfants qui la regardèrent bouche-bée.

 — Mais… vous parlez ! s’exclama Clara tout haut sans faire cas de l’homme tapi dans l’ombre.

 — Silence, petite insolente ! gronda la voix. Vous ! ordonna-t-il ensuite à l’Azka qui tenait Clara. Rapprochez-moi cette petite bavarde que je la voie de plus près.

Le désigné prit la fillette par le bras et sans se faire prier davantage l’emmena dans le fond de la pièce. Là, debout, devant l’unique fenêtre de la salle, un homme semblait hypnotisé par le paysage extérieur, le regard fixe, perdu dans le vague. Un voile de tristesse ternissant par intermittence l’éclat de ses yeux noirs.

 Clara, qui n’aurait jamais pensé se retrouver face à un autre être humain dans cet autre monde magique et surtout pas dans un endroit isolé comme celui-ci ne put, une nouvelle fois, s’empêcher de parler sans retenue, mitraillant l’inconnu de questions.

 — Vous êtes Humain ? Qui êtes-vous ? Comment avez-vous atterri dans ce monde ? Et qu’est-ce qu’on vous a fait pour…

 — Assez ! tonna l’homme, la faisant sursauter de surprise.

 Il se retourna pour lui faire face.

 — Tu poses un peu trop de questions pour une si petite personne.

 L’homme, d’une quarantaine d’années, se dressait maintenant devant elle.

 Il était grand, un mètre quatre-vingt-cinq au moins, de corpulence assez mince mais plutôt musculeux. Ses cheveux bruns, longs jusqu’aux épaules, étaient en partie soigneusement ramassés en catogan derrière la nuque. Ses traits, des plus délicats pour un homme, et d’une très grande noblesse, constata Clara, détonnaient avec l’extrême sévérité de son visage. Sévérité accentuée par son intense pâleur : son teint était d’un blanc laiteux.

 Beaucoup de contradiction émanait de cet homme. Un mélange de douceur et de brutalité à la fois. Quant à ses grands yeux sombres… Ces yeux vous transperçaient l’âme. D’un seul regard, ils vous glaçaient le sang. On dit souvent que les yeux sont les fenêtres de l’âme. Eh bien, une peine immense devait depuis longtemps tourmenter l’âme de cet homme. Cela se lisait dans ses yeux. Parce qu’en dépit de la dureté visible de son regard, comme avait pu le remarquer quelques minutes auparavant la fillette à l’âme si pure qui lui faisait face, on y décelait, au plus profond de celui-ci et à condition d’y prêter une réelle attention, une infinie tristesse et une grande lassitude.

 — Tu es Clara, n’est-ce pas ? demanda-t-il, connaissant déjà la réponse.

 Stupéfaite que l’homme connaisse son nom, Clara riposta aussi sec :

 — Comment le savez-vous ?

— Cela n’a aucune importance, lui assura-t-il, particulièrement agacé.

 Puis, s’adressant aux enfants restés à l’autre bout de la pièce :

 — Approchez, vous deux, que je puisse mieux vous contempler ! Je suppose que tu dois être le fils cadet de Marcus. Oui ! Cela ne fait aucun doute, en conclut-il enfin, considérant Maximus sous toutes les coutures. La ressemblance est frappante ! Quant à toi…

 Il s’approcha de Dany et lui prit fermement le menton entre le pouce et l’index, l’obligeant à lever les yeux vers lui.

 En touchant le petit garçon, une chose à laquelle l’homme ne se serait jamais attendu se produisit soudain : une décharge électrique se diffusa de part en part dans son corps, lui pinçant le cœur et lui comprimant la poitrine à un point qu’il en eut, l’espace d’un instant, le souffle coupé. Des images du fils qu’il avait eu jadis refirent surface. Des images qu’il avait occultées intentionnellement. Et voilà que le plus innocemment du monde ce petit garçon les faisait resurgir.

 — Je m’appelle Dany, dit le garçon avec timidité, surpris par sa réaction.

 — Oui… Bon… se ressaisit l’homme, troublé, se raclant la gorge.

 Cet enfant ressemblait tant à son fils disparu qu’il en avait perdu ses moyens. Et une telle chose ne devait plus se reproduire. Sous aucun prétexte. Il se redonna très vite une certaine contenance et se retourna vers les créatures postées à l’entrée de la pièce :

 — Ces enfants sont gelés, remarqua-t-il sévèrement. Trouvez-leur des manteaux que diable !  Et lorsque ce sera fait, mettez-les avec les autres ! Je ne voudrais pas qu’un incident regrettable se produise avant d’avoir obtenu gain de cause. Allez ! aboya-t-il, balayant l’air du revers de la main. Et ne me dérangez plus ! Cette entrevue m’a épuisé.

 Les hommes des montagnes s’exécutèrent aussitôt sans broncher. Ils empoignèrent à nouveau fortement les trois enfants et décampèrent de la pièce, abandonnant le maître des lieux en pleine méditation.

 CHAPITRE 6

Le Magicien (1ère partie)

Le Sorcier du Mont Neigeux

 

La perspicacité de Clara frappa une fois encore dans le mille : un chagrin indicible rongeait effectivement Morgan.

 La peine causée par la mort des êtres les plus chers à son cœur, sa femme et son fils, une vingtaine d’années plus tôt, laissa sur lui des traces telles qu’une fillette de huit ans la devina sans mal.

 *

Jadis, après le drame, Morgan eut beaucoup de mal à remonter la pente. Continuer à vivre dans un monde où les siens n’étaient plus n’avait plus aucun sens pour lui, aucune raison d’être. Aussi, ne supportant plus la douleur oppressante qui lui comprimait le cœur, meurtri dans ses plus petites cellules, à chaque instant du jour et de la nuit, l’empêchant de respirer normalement, il se résigna à en finir avec la vie une bonne fois.

Seulement, Morgan n’était pas un homme ordinaire. Et son autodestruction, orchestrée préalablement au millimètre près, s’avéra un échec total.

 Contrairement à ce qu’en pensa Clara en le contemplant, Morgan n’était qu’à demi humain. C’était un Enchanteur : il avait le don de la magie mais, également, – et lui-même ne le comprit qu’au moment où il se décida à disparaître de la surface de la terre – celui de l’immortalité.

 Le Magicien en saisit d’ailleurs davantage sur son état suite à sa “résurrection”. Désormais, il savait aussi qu’il ne vieillirait plus non plus. Il était et resterait à jamais dans la fleur de l’âge, condamné à endurer sa peine pour l’éternité. Seul un autre Sorcier pouvait le supprimer. Et il n’en avait croisé aucun pour l’instant dans les environs. Pour son plus grand désarroi. Il n’était toutefois pas allé bien loin encore dans ce monde. Ni dans l’autre d’ailleurs. Beaucoup de territoires restaient encore inconnus de lui…

 Bien que ce fût surtout dans le monde des Fagus que l’on trouvait le plus de Sorciers, la naissance de leur espèce prenant racine dans les Contrées Boisées Éternelles, berceau de la communauté elfe (les Elfes étant les ancêtres directs des Sorciers), il existait centaines de ses compatriotes disséminés un peu partout dans les mondes des Quercus et Castaneas également. Alors il n’était pas exclu qu’il croise l’un de ces Enchanteurs dans les environs un jour prochain et qu’il le provoque en duel pour le forcer à l’éliminer. Peut-être durant son périple en vue du nouvel exil qu’il comptait s’imposer ? Car Morgan prévoyait de s’expatrier une fois encore. Pour d’autres raisons que la première, ce coup-ci.

 Le Sorcier s’en fut le plus loin possible du monde des Quercus dans lequel il avait vécu tant d’années si heureux avec sa famille. Et où, me demanderez-vous ? Dans l’endroit le plus reclus que le pays des Castaneas, le monde de son enfance, duquel il était déjà parti une fois, recelait : les Montagnes Lointaines. Persuadé qu’aucun des petits habitants du Châtaignier Sacré ne s’y aventurerait jamais. Et encore moins ceux du Grand Chêne. Il connaissait les Castaneas mieux que quiconque. Ou pensait les connaître. Au-delà de l’immense étendue de fagaceaes tout alentour devenait beaucoup trop colossal, inaccessible pour eux. Bien trop de mystère entourait ces montagnes. La cachette idéale !

*

En découla ensuite pour Morgan un périple qui dura plusieurs jours. Un voyage au bout du monde. Mais, surtout, au bout de lui-même.

 Enfin, trop épuisé de déambuler sans but précis, il s’arrêta. Là, sur la cime de la plus haute montagne, puisant dans ses dernières forces, il employa le reste de ses ressources physiques et de son énergie magique à ériger un grand palais. Puis s’y confina.

 Nul besoin d’être un génie pour comprendre que l’édifice, entièrement fait de glace, n’était autre que l’écho de ce que le Magicien ressentait dans son cœur.

 Et l’hiver fut soudain partout, dans cette partie du monde : un hiver sans fin.

 Au fil du temps, d’autres phénomènes étranges vinrent s’ajouter à cet état hivernal indéfini. À cette froideur persistante. D’insolites perturbations dans la personnalité de l’Enchanteur. Plus marquées qu’elles ne l’étaient déjà.

 Se trouvait-il sous l’emprise maléfique du trésor découvert durant son errance ? Était-ce lui qui assombrissait jour après jour son esprit vulnérable ? Car à partir du moment où Morgan dénicha le coffre rempli de pierres précieuses dans les abysses d’une ancienne grotte, au cœur des Montagnes Enneigées, le tempérament du Magicien changea radicalement encore.

 Le trésor, qui n’était autre que la partie manquante du trésor perdu des Quercus, était, sans conteste, responsable de la noirceur qui rongeait l’esprit de l’Enchanteur. Or, bien qu’il fût, à l’époque comme aujourd’hui, en grande partie la cause de ses plus grands malheurs, Morgan le gardait jalousement quelque part dans son palais, enfermé à double tour, de peur qu’on le lui vole.

À Suivre…

Merci d’avoir lu cet extrait jusqu’au bout. Si vous avez aimé, n’hésitez pas à cliquer sur le cœur ou à mettre un petit commentaire.

L. Carmen

carmuse2 Passionné

Écrit par L. Carmen

Passionnée de lecture depuis qu'elle sait lire : bd, mangas, romans, avec tout de même une préférence pour les romans fantasy, fantastiques, les dystopies,... amoureuse des mots et aimant les manier, c'est tardivement que L. Carmen s'est abandonnée à l'écriture.

Romans jeunesse fantastique/fantasy, contes illustrés, et dans un autre registre, une comédie romantique.
Elle souhaite, par le biais de ses histoires, apporter un peu plus de bonheur, de magie, dans le cœur de ses jeunes lecteurs, prolonger leur temps d'insouciance. Et pour les lecteurs et lectrices plus âgé(e)s, un temps de bonheur et de légèreté supplémentaires dans leur quotidien. Elle espère vivement que sa comédie romantique vous fera autant de bien au moral qu'à elle en l'écrivant.

QU'EN PENSEZ-VOUS ?

guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
LE SORCIER DU MONT NEIGEUX

EXTRAIT DE CLARA ET LE MONDE MYSTÉRIEUX DES CASTANEAS – LE SORCIER DU MONT NEIGEUX

Derrière le déluge

Chapitre 1 : Derrière le déluge, le soleil brille toujours !