Bonjour à tous,
Aujourd’hui je vous propose les premières pages de mon premier roman Les Larmes du Styx publié et disponible via Amazon. Bonne lecture !
PROLOGUE : TOUT UN PROGRAMME
Une petite pensée pour la mort qui nous laisse en vie !
Peu d’entre nous se lèvent le matin en pensant que c’est peut être leur dernier jour sur terre.
Mike Dovan n’était pas de ceux-là.
Ce matin il sait, son heure est pour aujourd’hui, et c’est peut-être pour cela qu’il a un peu plus de mal que d’habitude à sortir de son lit ; il ressemble aux petits enfants qui se cachent sous leur couette pour se protéger des monstres tapis dans l’obscurité. Qui oserait critiquer l’espoir aussi futile soit-il d’un condamné ? Pas moi !
Mais face à l’horreur, l’espoir est de courte durée et ça Mike l’a bien compris. Ça lui a pris du temps (quasiment toute sa courte vie) mais il a finalement fini par assimiler cette donnée ; et donc il se lève, prêt à faire face à ce qui est prévu pour lui. Dernier jour ou pas il ne changera pas sa routine pour autant, le programme est café/cigarette-douche-café/cigarette comme chaque jour de sa vie depuis une bonne douzaine d’années.
Tout en le buvant il se dit que son café n’est pas meilleur que d’habitude, il est toujours accompagné de ses brûlures d’estomac habituelles, « la mort ne rend pas les choses meilleures, se dit-il, le dernier repas d’un condamné n’est pas le plus succulent, encore un poncif pour dédouaner un peu les bourreaux. Face à la mort l’ordinaire reste ordinaire », il pense un instant à écrire cette dernière phrase sur un bout de papier, il la trouve accrocheuse mais il y renonce. Là où il va cela ne lui servira à rien et ceux qui passeront après lui ne saisiront certainement pas l’ironie de la chose.
Sous la douche Mike tente de se rappeler comment tout ça a commencé, il essaye de démêler la toile d’événements qui l’a pris au piège, quel a été le déclencheur…
A moins que quelque chose ne lui échappe, tout s’est mis en route il y a environ deux semaines. Deux semaines auront suffi à ruiner 28 ans d’existence…Tout cela à cause d’une foutue série d’emmerdes qui l’a conduit à accepter un verre. Si seulement il n’y avait pas eu cet…
Mike perd soudain le fil de ses pensées, ou c’est plutôt comme si quelqu’un avait coupé ce fil, il sort de la douche sans fermer l’eau ni prendre le temps d’enfiler une serviette, il suit ses pieds qui l’entraînent vers la cuisine et pendant que son corps le guide, il comprend enfin, ça y est Mike Dovan à son épiphanie ! Pas de deuxième café-cigarette au programme, sa situation aura finalement eu raison de sa routine. Sans être maître de ses gestes, il ouvre le tiroir du plan de travail et avant de comprendre le pourquoi du comment, il voit le couteau à désosser. Pour être totalement précis, Mike ne voit pas le couteau mais il voit son visage sur la lame qui se rapproche de sa gorge. Il essaye de fermer les yeux, y parvient, (au moins a-t-il le contrôle sur ça) et espère ainsi rendre la chose moins pénible mais sa tentative est vaine. Sa main est en train de le tuer, son corps semble décider à abandonner la partie et pour cela le joueur principal doit mourir. Ça commence. Mike sent le froid de la lame sur sa gorge, une petite douleur, il a le souffle coupé et soudain le froid l’envahit. Tandis que la lame se fraye un chemin dans ses cordes vocales Mike perd le contrôle de sa vessie, il sent l’urine chaude se mêlée au sang qui coule le long de sa jambe et dans un dernier mot d’esprit avant l’obscurité, Mike Dovan se dit que face à la mort nous ne sommes tous que des gamins pissant dans leur froc.
Et voilà, l’esprit de Mike Dovan a quitté la terre, son corps tombe sur le sol. Il avait 28 ans, plus de famille, pas de petite amie, ni de vrais amis non plus, il est mort seul dans sa pisse et la seule personne que sa mort ennuiera est la femme de ménage qui devra nettoyer son merdier.
Si Mike avait eu une âme, il aurait vu au moment où celle-ci quittait son corps toute l’horreur de la scène… bien que sans vie, son bras continuait à se mouvoir et le couteau poursuivait son va et vient dans ce qui était autrefois sa gorge, bien décidé à ne lui laisser aucune chance de s’en remettre. Au moins cela lui fût-il épargné.
CHAPITRE 1
Rénocha.
Une ville comme on en voit beaucoup de nos jours. Ni trop grande, ni trop petite. Un équilibre parfait !
Mais c’est un équilibre précaire, un équilibre qui ne va pas tarder à être remis en question.
Les beaux quartiers situés principalement au nord ressemble à une carte postale vantant un havre de paix. Les bâtiments semblent datés de la veille, les pelouses sont impeccables et l’herbe est aussi verte qu’elle peut l’être.
Le cœur historique de la ville est situé dans le centre. Les traces les plus anciennes de civilisation ont disparus (après 1900 ans rien d’étonnant à cela), mais l’ambiance d’un autre âge est pourtant bien palpable. Certains bâtiments comme l’église, l’hôpital et l’hôtel de ville sont d’anciens témoins d’un temps reculé. Ils sont les représentants d’une époque où la démesure était de rigueur. Ces monuments au style gothique sont aussi imposants qu’ils semblent hostiles. Même le refuge qu’est censé être l’église de la Rédemption a quelque chose de peu engageant. D’un point de vue purement objectif on a du mal à y voir un lien avec Dieu, à moins que ce dernier ne cherche à effrayer ses ouailles. Il en va de même pour l’hôpital. Cet ancien asile n’a rien de sécurisant. On le dirait tout droit sorti d’un film de Tim Burton. Le bâtiment d’un style gothique dit « flamboyant », est en fait plus que lugubre et ce n’est pas la statue en bronze d’Hippocrate scrutant d’un air pensif les orbites vides d’un crâne humain, située à l’entrée du bâtiment, qui atténue cette impression. Les colonnes en façade et les pinacles qui surmontent les arcs-boutants ressemblent un peu trop à des os fossilisés. Le sinistre de l’endroit laisse à penser que lorsque la faucheuse vient récolter les patients décédés dans ces murs, elle est en terrain familier. À vrai dire si elle cherchait un logement, celui-ci serait certainement en haut de sa liste de coups de cœur.
La plus grande fierté de la municipalité est Timahr Chasongnispe. Un écrivain de la région qui même, s’il n’est pas mondialement connu, a un solide fan-club. Son œuvre bien que légèrement opaque (à vrai dire, peu de personne sont aller au-delà des premières pages vu l’imperméabilité de ses textes) est une pure vision « Made in Rénocha ». Certains ont même la prétention de dire qu’un jour il sera reconnu, qu’un jour quelqu’un trouvera dans ses textes ce qui ailleurs n’existe pas. En général, pour illustrer leur propos ils citent Poe, mis sur le devant de la scène par Baudelaire.
Comme toute ville, Rénocha se divise en trois parties. Beaux quartiers, centre historique (même si cela peut se limiter dans certaine ville à un bureau de poste ou à un bar plus tout jeune) et bien sur les quartiers où l’on cache les miséreux et ceux qui ne sont pas capable d’avoir une pelouse ultra verte. Ces quartiers-là sont situés au sud-est de la ville (le sud-ouest servira d’extension si par malheur cette population venait à croître, mais certains paroissiens de l’église de la Rédemption prient chaque dimanche pour que ce ne soit pas le cas). C’est dans un bâtiment du coin que quelqu’un découvrira le corps de Mike Dovan d’ici peu de temps.
Le jour se lève sur ce petit lopin de terre et les ombres perdent peu à peu du terrain, se recroquevillant doucement sur elle-même.
Mais tandis que le jour chasse la nuit, quelque chose se réveille. Une chose plus vieille que toutes les villes, une chose qui en a vue sombrer plus d’une. Un serpent vient d’élire domicile dans la petite communauté d’ordinaire assez tranquille.
Quelque chose qui a décidé que Rénocha serait la salle pour son petit opéra personnel.
Le rideau se lève.
Le premier acte peut commencer.